
Les crédits immobiliers aux particuliers étaient jusqu’ici considérés par les banques comme une activité à faible risque compte tenu du très faible taux de défaut observé (1). Mais cette activité se révèle en définitive porteuse d’un risque de taux important du fait des options cachées dans la capacité de remboursement des prêts par anticipation. Le coût de gestion de ces options s’est révélé beaucoup plus élevé qu’attendu, ce qui incite les banques à remettre à plat leur gestion ALM traditionnelle.
La France et la Belgique sont les deux pays au monde où les banques sont les plus exposées au risque de taux à travers leur activité de prêts immobiliers. Dans ces deux pays, les crédits portés par les banques sont majoritairement à taux fixe et sans possibilité de refacturer la totalité du coût induit par les remboursements anticipés aux clients du fait de l’encadrement des indemnités par la loi (2).
Pour éviter de perdre des clients, les banques préfèrent dans certains cas renégocier le taux des prêts à la baisse, ce qui provoque aussi une perte financière significative (3) mais permet de ne pas voir sa clientèle fuir vers les concurrents à l’occasion d’un rachat du prêt par une autre banque. Les renégociations de taux consenties sont ainsi, en théorie du moins, un instrument de défense des banques contre les remboursements anticipés.
Depuis plus d’un an, les réseaux bancaires français ont ainsi enregistré une hausse historique et non prévue des remboursements anticipés et des renégociations de prêts immobiliers aux particuliers avec un coût 2015 pour le système bancaire français, probablement supérieur à 20 milliards d’euros en valeur de bilan pour un encours total de l’ordre de 900 milliards d’euros, soit 2 à 3% des encours de prêts selon nos récentes estimations. Ce coût est lié à deux facteurs :
- La disparition d’un actif à taux élevé en période de taux bas lorsqu’il y a remboursement anticipé.
- Une perte de marge pendant l’ensemble de la vie du prêt lorsqu’il qu’il y a renégociation du taux client.
Cette diminution des marges futures affectera les résultats bancaires au fil de l’eau puisqu’elle n’est pas comptabilisée en valeur de marché.
La question qui se pose est de savoir si cette perte de revenus aurait pu être évitée, ou au moins amoindrie grâce à une meilleure gestion du risque de taux contenu dans le portefeuille bancaire des banques. De manière plus générale, est-il possible de tirer les enseignements de cette crise en revisitant les pratiques des banques et de leur gestion ALM ?
Plusieurs actions peuvent être menées :
- Améliorer l’anticipation des volumes de prêts remboursés et renégociés par une meilleure modélisation de ce risque et de ses conséquences sur la gestion du risque de taux. Les indicateurs utilisés par les banques sont traditionnellement trop statiques.
- S’assurer que la politique de renégociation intervient bien de manière ciblée sur la clientèle susceptible de voir son prêt racheté par un réseau concurrent.
- Tarifer les options de manière à permettre la couverture du risque de taux
- Identifier les moyens de protéger le bilan de la banque sur la nouvelle production de prêts.
Ces pistes de réflexion sont d’autant plus urgentes à mettre en œuvre que ce qui s’est produit ces derniers mois peut se poursuivre en 2016 et se reproduira à l’avenir avec une ampleur comparable si les taux remontent pour baisser de nouveau.
La nouvelle réactivité des clients pour exercer les options cachées a été amplifiée par le développement en France d’un réseau de courtiers très actifs et des campagnes de presse. Son impact doit se traduire dans les bilans bancaires, à la fois par une augmentation des marges et par une gestion beaucoup plus sophistiquée des ALM bancaires.
Le régulateur a parfaitement identifié ce foyer de risque et les banques françaises sont particulièrement visées par le Comité de Bâle qui entend de manière générale exiger des fonds propres supplémentaires pour couvrir les options dites « comportementales » que les banques vendent à leurs clients sans pour autant reconnaître leur valeur au fil de l’eau dans leurs états financiers. Cette pénalité en fonds propres s’ajoutera sans doute à partir de 2018 ou 2019 à la longue liste d’exigences supplémentaires pour renforcer la solvabilité des banques et rendre le risque souverain moins lié au risque bancaire.
La prévention, la modélisation et l’anticipation des conséquences de ces options cachées constitue un des enjeux majeurs des ALM de banques aujourd’hui.
ESTER a développé une forte expertise dans l’évaluation et la gestion de ces options cachées et de leurs conséquences et accompagne les ALM de banques dans l’évolution de leur mode de gestion de ces risques dont les enjeux restent à ce jour très élevés.
LA PRESSION RÉGLEMENTAIRE SUR LES PRODUITS DÉRIVÉS DOIT INCITER LES UTILISATEURS À REPENSER LEUR MODÈLE DE GESTION DES RISQUES.
Anticiper les conséquences croisées des nouvelles réglementations sur le modèle de gestion de gestion des risques de l’entreprise est un art de plus en plus difficile.
LCR, NSFR, ratio de levier, SA-CCR, BA-CVA, EMIR, la liste des douleurs passées ou à venir orchestrées par le régulateur sur les dérivés OTC est longue et surtout coûteuse en fonds propres, en résultat économique et en besoin de liquidité.
La nouvelle règlementation modifie le coût direct et indirect des dérivés OTC ainsi que la liquidité des marchés.
La compensation centrale permet certes d’éviter certains coûts et certains risques mais en génère d’autres et ne peut constituer la solution universelle. Elle ne concerne d’ailleurs qu’une catégorie limitée de produits dérivés et ne s’applique pas uniformément à tous les acteurs.
Les acteurs dont l’activité sur les produits dérivés n’est pas bien équilibrée et qui génèrent des portefeuilles de dérivés OTC fortement exposés aux risques de marché rencontreront à plus ou moins brève échéance des limites structurelles à leur utilisation des produits dérivés.
Pour certains acteurs comme les émetteurs de Covered Bonds, l’équation se complique encore lorsque certaines parties prenantes réfléchissent à interdire ou limiter les swaps intragroupe alors que les agences de rating imposent des contraintes tellement fortes que la réalisation des swaps externes devient de plus en plus coûteuse.
Pour de nombreux acteurs, cette avalanche de contraintes nouvelles doit provoquer une prise de conscience et une analyse approfondie des méthodes de gestion des risques. Les stratégies de gestion de bilan qui utilisent des dérivés OTC doivent être passées au peigne fin afin d’en mesurer en détail les conséquences à long terme et les coûts cachés.
S’il existe des moyens alternatifs pour gérer les risques comme la recherche de couvertures temporaires et l’adossement direct des actifs et des passifs, ils doivent être analysés sous tous leurs aspects incluant la consommation de fonds propres, les coûts économiques, la liquidité, les traitements comptables, les risques résiduels etc.
Ces évolutions doivent vous inciter à remettre à plat votre modèle de gestion des risques de marché de manière à optimiser l’utilisation de vos ressources rares et rechercher une gestion efficace et économique des risques.
L’expertise d’ESTER dans tous ces domaines peut vous y aider.
1 - Obtenu grâce au « modèle français » avec des prêts à taux fixe et une bonne sécurité juridique des prêteurs.
2 - En France, la loi Scrivener limite les pénalités de remboursement anticipé au montant le plus faible entre 3% du capital restant dû et 6 mois de mensualités d’intérêts.
3 - En moyenne 1% par an sur le profil d’amortissement du prêt;