top of page

LE RECOURS CROISSANT A LA PRÉCOUVERTURE DE TAUX DES PROJETS





Thèmes : Précouverture / Risque de taux / Financement de projet


Aux Etats Unis comme en Europe, l’année 2019 et une grande partie de l’année 2020 ont été deux années de forte baisse des taux longs. Pour les entreprises ayant régulièrement recours à l’emprunt à long terme, le niveau historiquement bas des taux longs ont favorisé la mise en place de plus en plus fréquente de stratégies de pré-couverture des taux.


Depuis quelques mois, nous assistons au contraire à une remontée rapide des taux longs. Les emprunteurs ayant mis en place des pré-couvertures de taux s’en félicitent, et d’autres emprunteurs se posent désormais la question de la pertinence de ces stratégies de pré-couverture.


Dans quel cas les stratégies de pré-couverture sont-elles adaptées ? Est-ce que la hausse des taux récente traduit un changement de régime ou un simple réajustement des taux longs en sortie de pandémie ? Quels paramètres pour une stratégie de pré-couverture de taux ?


Que traduit la hausse récente des taux long terme ?


Comme en témoigne le graphique ci-dessous, les taux longs aux US et en Europe ont augmenté, sur les 8 derniers mois, respectivement de 113bp et 26bp. Cette hausse rapide intervient alors que ni la Réserve Fédérale ni la Banque Centrale Européenne n’envisagent de relever leurs taux d’intervention dans les 2 prochaines années.

Les taux restent historiquement très bas, en particulier sur l'euro


Tout au plus la Réserve Fédérale américaine évoque-t-elle un horizon 2024 pour une possible première hausse des taux si les conditions sont réunies à cette date et pour la BCE il n’y a aucun horizon de hausse des taux prévisible à ce stade. La BCE entend même accroitre le volume de ses rachats d’actifs afin de contrer toute hausse des taux de marché et n’exclut pas une nouvelle baisse des taux directeurs.


Mais les taux courts et les taux longs peuvent être très déconnectés puisqu’avec le même niveau de taux courts, nous avons connu des écarts de plus de 1% sur les taux longs. Nous sommes par ailleurs en Europe plutôt encore dans un environnement où la courbe des taux – et donc l’écart entre taux longs et taux courts - est peu pentue au regard de la situation qui prévalait en 2013 par exemple.


Les taux longs et les taux courts peuvent être très déconnectés

Comme en témoigne le graphique ci-dessous, avec les taux courts actuels et la pente de 2013, le taux 10 ans serait plus élevé de 76 bp par rapport au niveau actuel.

Cette hausse des taux, déclenchée aux Etats-Unis puis transmise partiellement en Europe, a pour origine la crainte de la résurgence de l’inflation qui fait les gros titres de la presse et inquiète Wall Street.


L’inflation, longtemps désirée en vain par les banquiers centraux, serait alimentée par la sortie de la crise sanitaire et le plan de relance américain de 1900 milliards de dollars (soit 9% du PIB) qui pourraient entrainer une surchauffe au moins temporaire de l’économie américaine.


Les marchés craignent que si l’arme d’une hausse des taux courts est utilisée tardivement par les banques centrales pour contrer l’inflation, un emballement de l’inflation se produise. Un tel emballement pourrait alors nécessiter une action beaucoup plus énergique de la Réserve Fédérale et une accélération forcée du calendrier de hausse des taux directeurs.




D’où le moindre appétit des investisseurs pour les obligations à taux fixe, d’autant que les actifs risqués comme les actions sont bien orientés en ce début d’année.


Dans le même temps, les déficits budgétaires en forte hausse des principaux états et l’allongement de la dette voulue par ces émetteurs afin de profiter de taux très bas pour des durées aussi longues que possible et financer à bon compte les déficits publics en pleine expansion pèsent sur les marchés obligataires et alimentent la hausse des taux longs.


Alors, la hausse rapide des taux longs est-elle un mouvement exagéré qui appelle une certaine correction au moins en Europe où les perspectives de surchauffe semblent plus lointaines ou est-ce le début d’un mouvement plus important avec par exemple un retour des taux longs sur les niveaux de la fin de l’année 2019 voire au-delà ?


Evidemment c’est impossible à dire et les avis sont comme toujours très partagés.


Faut-il précouvrir les emprunts futurs ?


Lorsque l’on finance un projet sur le long terme, par exemple 10 ans de vie moyenne, un écart d’un demi-pourcent de taux vaut pour les actionnaires, presque 5% de l’assiette de la dette. C’est un montant très important qui peut remettre en cause l’économie globale d’un projet.


La pré-couverture du taux de la dette peut donc apporter beaucoup de confort aux sponsors, à condition de choisir le ou les bons instruments de pré-couverture en fonction notamment de la probabilité d’occurrence ou de retard du projet, de bien les dimensionner, et de bien prévoir la gestion de la transition entre la pré-couverture et la couverture.


Enfin si certains sponsors regretteront de ne pas avoir pré-couvert plus tôt et peuvent estimer que c’est déjà trop tard, il faut garder à l’esprit que ni la pente de la courbe des taux ni les niveaux de volatilité ne sont encore particulièrement élevés au vu de leurs niveaux historiques courant mars 2021. Par ailleurs, même si les taux longs avaient déjà beaucoup augmenté, la pré-couverture ne perdrait pas tout son sens. En effet, la pré-couverture permet de se protéger de la hausse des taux entre le moment où le projet a été conçu, structuré, engagé, et le moment du closing financier. Même lorsque les taux sont à un niveau absolu plus élevé, les projets engagés portent le risque d’une hausse des taux.


  1. Dimensionner la pré-couverture

Lorsqu’un emprunteur souhaite pré-couvrir un ou plusieurs emprunts futurs, se pose la question du périmètre de la pré-couverture. Doit-on par exemple réserver la pré-couverture à un seul projet bien identifié ou peut-on mettre en place une « macro » pré-couverture englobant plusieurs projets à venir sur une période relativement longue ?


Sur cette question, la réponse n’est pas univoque et dépend beaucoup du contexte. Mais deux éléments sont particulièrement importants dans l’analyse :


  • Les projets et emprunts considérés sont-ils hautement probables ? Dans le cas contraire, le coût potentiel de la pré-couverture peut générer une perte sèche dans le cas où les projets ne se réalisent pas.

  • La compétitivité des projets peut-elle être amoindrie du fait de la pré-couverture ? Par exemple, se peut-il que des concurrents n’ayant pas pré-couvert les taux puissent, en cas de forte baisse des taux, proposer des projets moins chers et plus compétitifs, ce qui rendrait de fait les projets et les emprunts moins probables, nous ramenant au premier point…

De fait, en financement de projet, la pré-couverture concerne plutôt les projets hautement probables et engagés. Ou la part hautement probable des projets engagés.


2. Mutualiser des pré-couvertures

Lorsqu’une entreprise réalise le financement de multiples projets, il est possible de mettre en place des macro-couvertures, mutualisant le bénéfice et les incertitudes entre les différents projets.


Ces stratégies de macro-couverture ont des enjeux particuliers, en particulier au moment de la transition de la pré-couverture à la couverture.


3. Les instruments de pré-couverture


On distingue trois grandes familles d’instruments de pré-couverture, toutes trois largement utilisées dans le cadre des financements de projets.


  • Les pré-couvertures fermes

Il s’agit typiquement d’un swap à départ différé. Dans le cas des financements de projet se pose cependant la question des garanties données aux banques de couverture, puisqu’au stade de la pré-couverture, les sûretés du projet ne sont généralement pas constituées. Il faut donc substituer aux sûretés du projet, jusqu’au closing financier, une autre forme de garantie qui peut être une Garantie à Première Demande (GAPD) d’un sponsor ou d’un tiers en faveur de la banque de couverture ou du collatéral en espèces par exemple.






La structuration et le dimensionnement de la garantie sont à définir et négocier au cas par cas sur la base de la volatilité du sous-jacent. Cette solution de pré couverture suppose la possibilité de fournir ces garanties.


  • Les pré-couvertures optionnelles

Il s’agit typiquement de l’achat d’une option sur swap (appelée swaption) entre la date de pré-couverture et la date de closing financier anticipé du projet avec une marge de sécurité temporelle estimée pour absorber les éventuels retards du projet. Une des problématiques réside souvent dans la capacité à financer la prime de cette option mais cette solution a l’avantage de permettre au projet de continuer à bénéficier de toute baisse significative des taux tout en étant protégé contre une hausse des taux, moyennant le paiement de la prime de l’option bien entendu.


Les coûts des protections optionnelles a augmenté mais demeure historiquement plutôt bas
  • Les pré-couvertures contingentes

Il s’agit d’une pré-couverture (swap ou option) qui se désactive si le projet ne va pas à son terme. Elle permet d’éviter le cas où il serait nécessaire de déboucler une couverture en cas de non-réalisation du projet avec un coût potentiellement élevé. Pour les projets qui ne peuvent ni payer de prime d’option ni mettre en place des sûretés en période de pré-couverture, les couvertures contingentes sont une des rares alternatives à disposition.


Les couverture contingentes ont un coût appelé marge de contingence qui est la contrepartie du risque de non-réalisation du projet assumé par la banque. Les couvertures contingentes ne sont pas proposées par toutes les banques de couverture et restent réservés aux projets dont la réalisation est fortement probable.


4. De la pré-couverture à la couverture


Au moment du closing financier, selon la valeur des instruments de pré-couverture, deux solutions sont envisageables :

  • Intégration de la valeur de l’instrument de pré-couverture dans le taux de l’instrument de couverture final

  • Résiliation de l’instrument de pré-couverture contre soulte

En fonction de la localisation de la pré-couverture, i.e. selon qu’elle est logée dans la société emprunteuse ou dans une société mère, la question du transfert des instruments de pré-couverture ou de leur valeur doit également être considérée. Avec des questions d’impact comptable, d’impact sur les ratios du projet, de coût de financement du mark to market, etc.


Conclusion


Les pré-couvertures ont ceci de vertueux qu’elles réduisent l’aléa de la rentabilité d’un projet et peuvent éviter bien des déconvenues aux actionnaires. Abandonner un potentiel de gain pour protéger les cas défavorables est une pratique de bonne gestion des risques qui, prend tout son sens lorsque le risque se réalise et remet en cause la rentabilité d’un projet. Les solutions sont éprouvées mais doivent être adaptées à chaque projet et bien négociées. Comme toujours, le diable est dans les détails et la rapidité d’exécution peut être un point critique. Il est important de se faire accompagner pour traiter au mieux le produit le plus adapté à chaque situation avec la bonne documentation.



Pour ce faire ESTER est votre partenaire de choix.



13 vues
bottom of page