
Thème: Valorisation des produits dérivés.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement européen EMIR et ses équivalents dans d’autres juridictions, les contreparties financières sont obligées de collatéraliser tous les dérivés lorsqu’elles traitent entre elles.
Les dérivés non collatéralisés représentent donc une toute petite fraction du marché qui est traitée entre des contreparties financières et des contreparties non financières.
Si quelques contreparties non financières font le choix de collatéraliser volontairement leurs dérivés, la plupart des entreprises et entités publiques choisissent de ne pas le faire ou sont contraintes de ne pas le faire.
C’est le cas notamment des dérivés adossés à des financements de projet, de LBO ou d’actif puisque les prêteurs ne veulent pas que les banques de couverture puissent immobiliser le cash des emprunteurs au gré des appels de marge et les mettre potentiellement en difficultés de trésorerie et ne veulent pas non plus que les banques de couverture soient structurellement créanciers séniors par rapport aux porteurs de dette, ce qui est le cas si elles détiennent déjà le collatéral des dérivés lors d’un évènement de crédit affectant l’emprunteur.
Pourquoi la collatéralisation affecte-t-elle la valorisation du dérivé ?
Lorsque les dérivés sont collatéralisés, c’est-à-dire lorsque la contrepartie pour qui le dérivé a une valeur de marché négative dépose quotidiennement en garantie cette valeur de marché (réajustée quotidiennement) auprès de la contrepartie pour qui le dérivé a une valeur positive, la courbe des taux de swaps utilisée pour l’actualisation des flux futurs est celle qui référence l’indice qui rémunère le collatéral, typiquement l’Eonia.
Le Mark to Market du dérivé étant financé à Eonia, la cohérence entre la valorisation des flux futurs et le coût de financement de la valeur de marché du dérivé est assurée.
Cohérence assurée entre la valorisation des flux futurs et le coût de financement de la valeur de marché du dérivé
A contrario, dans le cas d’un swap non collatéralisé, le Mark to Market négatif du dérivé représente une créance potentielle (en cas de résiliation) d’une partie sur l’autre, dont le financement est assuré par la partie créditrice. La valeur actuelle des flux futurs doit donc être calculée par les contreparties de marché en prenant en compte leur coût de financement du Mark to Market.
Mais chaque banque de marché a son propre coût de financement. Le choix de la « bonne » courbe d’actualisation des flux futurs d’un dérivé non collatéralisé est donc beaucoup plus complexe.
Comment les dérivés non collatéralisés sont-ils valorisés par les banques de marché ?
Pour les dérivés non collatéralisés, chaque banque a sa pratique en matière de choix de la courbe d’actualisation des flux futurs qui lui est propre, ce qui introduit de manière intéressante des différenciations significatives sur le prix d’entrée et de débouclement des dérivés traités entre les différentes banques et ses contreparties non financières.
En pratique, les banques adoptent une convention interne pour l’actualisation des flux futurs des dérivés non collatéralisés.
Cette convention est généralement dictée par le département de la trésorerie de la banque qui finance les activités de la banque de marché. Cette convention est susceptible de varier dans le temps et surtout n’est pas nécessairement la même selon les différentes banques.
Quelles différences entre les méthodes appliquées par les différentes banques ?
En pratique, en Europe, les banques appliquent des méthodes très différentes pour valoriser les dérivés non collatéralisés. Nous avons identifié trois groupes principaux au sein des banques de marché :
Les banques qui actualisent ces dérivés comme s’ils étaient collatéralisés, en utilisant, en EUR, une courbe d’actualisation Eonia.
Les banques qui prennent en compte en tout ou partie leur coût de financement, en actualisant les flux des dérivés à un spread positif ou nul au-dessus d’une courbe Euribor 3M ou 6M, ou en calculant séparément un ajustement de valeur de type FVA
Certaines banques non européennes qui, du fait de leur représentation géographique, appliquent un mix de différentes devises et de différentes courbes.
Comprendre ce maquis est important car les prix des dérivés sont impactés par ces différences de pratiques :
- Lors des mises en place des dérivés.
- Et plus encore lors des débouclements de dérivés lorsque la valeur de marché des dérivés est devenue significative.
Ainsi, dans le cas d’un swap de taux de maturité longue, les différences de taux fixe à l’entrée peuvent excéder un point de base et les différences de taux à la sortie peuvent excéder 5 points de base.
Ces différences ne sont pas stables et dépendent d’une multitude de paramètres de marché, de la valeur et de l’échéancier des dérivés.
Le Hedge Advisor bénéficie d'une vue d'ensemble à laquelle les banques n'ont pas d'accès
Autant les banques savent donc parfaitement à quel niveau de marché traitent les opérations soumises à un collatéral, autant elles ne savent pas clairement à quel niveau de marché une contrepartie non financière qui ne collatéralise pas ses dérivés peut avoir accès auprès de ses différents partenaires bancaires.
Le choix de la bonne courbe d'actualisation
En tant que Hedge Advisor, nous effectuons des opérations avec l’ensemble des contreparties de marché sur les dérivés non collatéralisés et engageons un dialogue approfondi avec chaque banque afin de maximiser la transparence sur le pricing des dérivés à l’entrée comme à la sortie.
Conclusion
Réputé simple, mature et transparent, le marché des dérivés non collatéralisés, en particulier le marché des swaps de taux, est en réalité opaque et complexe en matière de valorisation.
La discussion avec chaque partenaire bancaire quant à la courbe de valorisation des dérivés non collatéralisés n’est pas simple car la banque ne dévoile souvent pas cette information pourtant cruciale pour comprendre les prix à l’entrée et les prix à la sortie des dérivés.
Avoir cette discussion est très important car il faut pouvoir :
- En tenir compte lors de la sélection des banques de couverture.
- Comprendre les prix proposés par la banque.
- S’assurer que les prix proposés sont cohérents en toutes circonstances entre la mise en place des dérivés et leur débouclement potentiel futur.
- Documenter les accords commerciaux de manière appropriée.
Spécialiste des marchés financiers, ESTER est à vos côtés pour approfondir ce sujet avec vous.