top of page

QUAND SERA LA BONNE FENÊTRE POUR COUVRIR LES TAUX D’INTÉRÊT ?

Dernière mise à jour : 8 juin




Thèmes : Risques de marché / Environnement incertain / Stratégie optimale


Les taux ayant beaucoup monté, est-il préférable d’attendre pour se couvrir ? Quand sera la bonne fenêtre ? Quelle est la stratégie « gagnante » dans ce contexte ? Voilà des questions que tout le marché se pose… Vous trouverez toutes les réponses dans cette lettre


Il est sage de ne mettre ni crainte ni espérance dans l’avenir incertain, écrivait Anatole France en 1892 dans l’Etui de Nacre.


Des taux d’inflation qui s’envolent, des taux d’intérêts qui augmentent à un rythme effréné, un dollar américain en forte hausse et l’explosion des prix du gaz et de l’électricité, la zone de turbulence dans laquelle sont entrés les marchés inquiète.


Et si ce n’était que le début ? Si l’inflation restait durablement perchée à 10% ou presque, si les taux d’intérêts remontaient durablement à 10% et que l’Euro dévissait encore de moitié face au dollar ? Et si à l’inverse les taux négatifs faisaient prochainement leur retour dans la zone Euro en raison d’une forte récession ? Est-ce impossible ? Est-ce probable ?


« Du fait du brouillard devant lui, il n’avait pas vu qu’il n’était qu’au début de la montagne », Auteur inconnu

Un constat ô combien adapté à notre propos.


Si les marchés financiers sont myopes et n’ont qu’une mémoire très courte, les banquiers centraux ne sont pas logés à meilleure enseigne. Qui parmi les membres de la Banque Centrale Européenne avait réussi à anticiper une inflation de plus de 10% en Allemagne en 2022 ? Il y a tout juste un an, ce scénario paraissait pour ainsi dire impossible. Prédire l’avenir est tout autant impossible.



La volatilité actuelle fait suite à des chocs qu’il était très difficile, voire impossible, d’anticiper

La valse des étiquettes


Depuis un an, les taux longs en Euro ont augmenté à 3%, passant de 0% en septembre 2021 à plus de 3% en septembre 2022.


Et comme à l’accoutumée, nous sommes chez ESTER sollicités pour donner notre avis :


- Avez-vous une vue de marché ?

- Que nous conseillez vous en termes de timing ?


Ces questions, nous les avons eues lorsque le taux 10 ans a franchi 0,50%, puis 1%, puis de nouveau à 2%, puis à 3% avec toujours cette impression chez nos clients que le mouvement était excessif et qu’un retour à la normale était imminent. Et il y a eu en effet des corrections comme en juillet où les taux longs ont reperdu 100 bps très rapidement pour passer de 2,50% à 1,50% pour finalement remonter en flèche.


Evolution du taux de swap 10 ans de janvier 2020 à octobre 2022






Evidemment, il y a un contexte, il y a des mécanismes, il y a une expérience des marchés qui permet de comprendre, d’expliquer, de mesurer les risques et il est important de partager cette vue-là. En revanche, personne ne peut prétendre savoir ce qu’il va se passer.


Dans ce contexte très incertain, si l’on ne peut pas s’appuyer sur des prédictions pour prendre ses décisions de couverture, sur quoi peut-on s’appuyer pour étayer ses décisions ?


Notre réponse est inlassablement la même:

  • Comprendre les risques auxquels le projet est exposé et les quantifier, y compris dans les scénarii extrêmes.

  • Déterminer si ces risques sont acceptables et étudier les stratégies de couverture des risques jugés inacceptables.

  • Sélectionner une stratégie de couverture qui réduise le risque et comprendre la modification du profil de risque du fait de la mise en place de la stratégie de couverture.

Cela étant dit, prenons le temps d’analyser les questions qui se posent le plus fréquemment:


Les taux de marché ont trop monté, il est désormais trop tard pour couvrir


Les acteurs de marché ont une tendance assez naturelle à analyser le niveau des taux au regard de l’historique connu, ou expérimenté. Puis de revoir brutalement les hypothèses à chaque changement de paradigme.


C’est ainsi qu’au cours des longues années de baisse des taux, il paraissait impossible que les taux courts passent en dessous de 0, puis il a été accepté que les taux courts soient négatifs, mais il paraissait impossible que les taux longs passent en territoire négatif. Puis le marché s’est habitué. Et des argumentaires se sont élevés sur le fait que les taux ne remonteraient plus jamais. Ce qui a poussé certains à recommander des couvertures a minima….


La tendance s’étant inversée, le phénomène s’est reproduit dans l’autre direction : quand les taux longs ont atteint 0,50%, il semblait que la hausse s’étant matérialisée, il était désormais trop tard… puis à 1%, 1,5%, …. 3%.

Dans ce contexte, il y a deux raisonnements prépondérants pour ne pas couvrir :

  • Couvrir à ces niveaux détruit la rentabilité du projet : C’est un raisonnement qui peut se tenir, si in fine, le coût d’abandonner le projet en cas de poursuite de la hausse des taux, est supportable pour les sponsors.

  • Les taux sont au plus haut, ils vont nécessairement baisser : De manière générale, le marché valorise à environ 50% le scénario de baisse des taux (par rapport aux forwards) et à 50% le scénario de hausse. Donc prendre cette vue est acceptable si le coût des 50% de scénarios où la hausse se poursuit est supportable pour la société ou pour ses sponsors.


La question n’est donc pas de tirer argument de l’évolution passée des conditions de marché mais bien d’analyser les risques liés aux mouvements futurs et à leurs conséquences sur le projet

Dans le contexte de ces derniers mois, les acteurs de marché qui ont adhéré à cette démarche ont évité bien des déconvenues.



Et si ex-post la couverture mise en place s'avérait " perdante" ?


Une couverture a environ une chance sur deux de s’avérer « perdante » ex-post. Mais elle n’est pas mise en place de manière isolée, elle fait partie d’un tout avec l’élément couvert et doit donc être analysée dans ce contexte.


Evidemment il est toujours facile ex-post de décréter qu’il était inapproprié de mettre en place une couverture. Mais si le travail a été bien fait, si la couverture était justifiée ex-ante pour réduire l’aléa conformément à l’appétit au risque et sans dégrader plus que souhaité la performance des différents scénarios possibles tels qu’envisagés lors de la mise en place de la couverture, et que cette décision a été partagée avec toutes les parties prenantes, alors ce constat à posteriori n’a pas lieu d’être.


On ne peut juger de la qualité d’une décision de couverture sur la base du mouvement des taux post exécution

Bien sûr, il peut y avoir après la mise en place de la couverture une baisse des taux, comme il peut y avoir une hausse des taux.


Mais ce n’est pas parce-que notre maison n’a jamais brûlé que l’on a eu tort de continuer à l’assurer contre l’incendie. De la même manière, la stratégie ayant pour but de réduire l’aléa ne peut s’apprécier qu’au titre de ce même critère : était-il important de réduire l’aléa et la stratégie a-t-elle réduit l’aléa ? Oui ? Alors c’était la bonne décision.


Quelle est la stratégie gagnante ?


La stratégie gagnante est celle qui donne le meilleur couple entre la performance et le risque, compte tenu de l’appétit au risque.


  • La première étape est donc de définir l’appétit au risque.

  • La seconde étape est de tenter de mesurer au mieux le risque qui est de plusieurs natures : Le risque projet avec son scénario central et ses scénarios dégradés, le risque de taux, de change, d’inflation, de liquidité, de crédit… Les risques sont interconnectés et corrélés. Une approche probabilisée avec prise en compte des effets de corrélation entre les différents risques peut apporter beaucoup de valeur ajoutée à la compréhension des risques et guider la prise de décision.

  • La troisième étape est de définir la stratégie qui élimine les zones de risque inacceptables sans trop dégrader la performance dans le scénario central et sans créer de nouveaux risques inacceptables. Ce dernier point est primordial et trop souvent négligé. Citons la mise en place d’une protection à la hausse des taux qui génère un risque illimité à la baisse des taux lorsqu’un swap de taux sans floor est adossé à une dette à taux variable dont l’index est flooré. Il existe de nombreux exemples où une stratégie mal pensée peut générer des inefficacités plus ou moins graves.


Quelle est la bonne fenêtre de tir pour mettre en place la couverture ?


Il y a certainement des fenêtres ponctuelles à éviter comme les moments précis où des chiffres économiques particulièrement suivis doivent être publiés. En revanche, prétendre pouvoir anticiper le mouvement d’après est illusoire, au mieux ce n’est qu’un prétexte à l’inaction.


Lorsque l’analyse est faite, que les décisions sont prises, que toutes les conditions préalables sont satisfaites pour mettre en place la couverture, il ne faut plus attendre

Puisqu’une couverture a pour objectif de réduire l’aléa, il n’y a pas véritablement d’argument pour différer la mise en place d’une couverture. Quelle serait la déception si justement le risque se réalisait alors que l’on a volontairement décidé d’attendre !



Conclusion


La compréhension de la situation de marché est une ambition légitime à laquelle le Hedge Advisor doit pouvoir répondre. Toutefois, comme personne ne peut prédire l’avenir avec un assez bon niveau de certitude et qu’à la fin il faut prendre une décision qui engage, la question de l’analyse des risques et du rendement espéré sous différents scénarios prendra toujours le dessus sur la question du timing et de l’évolution future probable des marchés à laquelle en réalité personne ne sait répondre avec un degré de confiance suffisant.


Un projet mal couvert qui devient non rentable pour des mauvaises raisons sera toujours un mauvais projet.


Alors n'attendez plus et plutôt que vous astreindre à essayer de lire l'avenir, menons ensemble l'analyse qui vous permettre de décider sereinement de couvrir, ou non, vos projets.

26 vues
bottom of page